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16/02/2011

Electeurs du terroir...

Je suis en ce moment quelque part dans la campagne, à une cinquantaine de kilomètres de Paris, et je suis réveillé tous les matins par le chant du coq, les aboiements des chiens et les… rugissements des lions ! Pour prendre un verre, il me faut marcher une bonne dizaine de minutes, passer devant le château et le parc animalier de Thoiry, et espérer que le dernier café qui subsiste (sur trois que la commune comptait il y a encore un an, deux ont fermé, peut-être définitivement…) soit ouvert : j’y côtoie des employés du parc, des retraités et des jeunes travailleurs qui viennent faire leur tiercé, quelques agriculteurs et d’autres qui sont jardiniers ou salariés municipaux. Parfois, quelque représentant de commerce passe rapidement avant de repartir voir des clients, ou une mère de famille un peu stressée se presse d’acheter son journal dans un lieu « si masculin »… J’y entends des discussions sur le temps qu’il fait, les taxes et les prix qui augmentent (un grand classique !), et, ce qui m’intéresse aussi, sur les actualités politiques.

 

Justement, les récents propos de Christian Jacob sur Dominique Strauss-Kahn, ceux-là mêmes qui provoquent tant de réactions indignées de la part des socialistes, sont l’occasion d’une de ces discussions de comptoir qui, si elles ne sont pas toujours de la meilleure qualité argumentaire, en apprennent parfois plus sur l’opinion publique que les sondages publiés dans la grande presse. Ainsi, le fait d’avoir dit que le directeur du FMI n’incarnait pas vraiment « la France des terroirs » ne choque guère et, surtout, paraît bien fondée aux clients du matin comme du soir, à ceux en particulier qui arrivent avec leurs bottes de caoutchouc crottées et leurs habits de travail plâtrés et peinturlurés : ce « monsieur DSK » ne leur ressemble pas et son air trop satisfait de lui et ses habits de bonne coupe déplaisent au « populo », qui n’est pourtant pas tendre avec l’actuel locataire de l’Elysée.

 

Quand on fait remarquer que Jacques Chirac ou François Mitterrand n’étaient pas vraiment habillés en « travailleurs », les clients du café haussent les épaules et font remarquer que, « eux, ils nous comprenaient ». « Regardez Chirac au Salon de l’Agriculture, il mange et boit comme nous, il a bon appétit et il rigole ! C’est un gars de chez nous, il n’est pas de la ville ! ». Inutile, semble-t-il, de rappeler qu’il vit à Paris et qu’il n’a peut-être pas forcément la « main verte », son image est celle d’un « homme qui comprend les Français », et sa popularité ne se dément pas, surtout depuis qu’il est à la retraite et en comparaison avec la classe politique actuelle !

 

En fait, les anciens présidents et ministres de la Cinquième République savaient, même s’ils étaient issus des élites universitaires ou de l’ENA, s’accorder avec le « pays réel » en sachant le flatter mais aussi parce qu’ils en connaissaient les « codes », les habitudes et les traditions, les envies et les réactions, et qu’il y avait « une sorte d’identité commune » fondée sur une histoire, une langue, des références communes, fortement « identitaires » (sans le côté polémique ou partisan qu’on donne aujourd’hui à ce terme) et enracinées quand, désormais, c’est le « mondial » et le « nomade » qui semblent dominer les classes dirigeantes, interchangeables et si semblables d’un pays à l’autreMM. Dominique Strauss-Kahn et Sarkozy se ressemblent plus que les Français ne se retrouvent en eux ! Cela explique aussi cet éloignement des populations à l’égard de dirigeants en lesquels elles ne croient pas, en lesquels elles ne « s’incarnent » pas. Cette séparation est lourde de menaces pour l’avenir de la République elle-même car elle délégitime cette dernière qui n’apparaît plus comme celle « des terroirs » ni des personnes qui y vivent et y travaillent, et qui y votent !

 

En se « mondialisant », la classe politique dirigeante de la France a oublié qu’elle tenait encore sa légitimité du « pays électeur » et que celui-ci pouvait se rappeler, durement, à elle, jusqu’à vouloir en finir avec cette République oublieuse des racines de son histoire qui sont, aussi et qu’elle le veuille ou non, éminemment et parfois douloureusement, celles d’une France qui n’a pas oublié ce qu’elle doit à ceux qui l’ont faite, les rois capétiens… Et le « populo » pourrait bien finir par s’en rappeler, lui aussi, à l’heure des grands choix historiques qui se rapprochent…

 

 

 

20/03/2009

Je n'ai pas fait grève, mais...

Ce jeudi, je n’ai pas fait grève et j’ai travaillé comme d'habitude : 7 heures de cours ; 2 heures de préparation de cours ; 2 heures de conseil de classe...
Mais, lorsque j'entends certains privilégiés du CAC 40 (je ne parle pas des petits actionnaires ou des patrons de PME) parler de "solidarité" aux ouvriers et fonctionnaires alors que, dans le même temps, ils menacent de s'exiler, fiscalement parlant, pour échapper à leurs devoirs sociaux, je m'indigne : l'égoïsme des grands est un vrai scandale et ce chantage au départ me navre et m'encolère. J’en ai déjà parlé dans ma précédente note, je n’y reviens pas.


Dans son histoire, ce que l’on appelle la Droite sociale (née dans les rangs des monarchistes légitimistes comme Albert de Mun, Villeneuve-Bargemont, Mgr Freppel, ou La Tour du Pin...) n'a cessé de dénoncer ces injustices qui, aujourd'hui, sont d'autant plus scandaleuses qu'elles condamnent les plus faibles au chômage et à la désespérance sociale. Or, la Droite actuelle semble avoir oublié cet héritage social dans lequel le mot de "justice" avait une grande part...


D'autre part, Mme Parisot a-t-elle conscience que ses propos peu amènes, voire indignes (parce que trop manichéens) contre les syndicats et les grévistes (coupables, selon elle, de fragiliser un peu plus l’économie du pays, ce qui est largement exagéré au regard du système économique et de sa crise présente…) ont révolté jusqu'aux plus modérés, croyant y percevoir (à raison ?) une attaque directe contre le droit même de grève ?

 

En tout cas, cette manifestation de colère du jeudi 19 mars, peut-être vaine, a été l'occasion pour beaucoup de salariés de faire entendre au "pays légal" les inquiétudes et le ras-le-bol du "pays réel" (selon la distinction de Charles Maurras). Néanmoins, il ne faut pas se tromper : qu’on le regrette ou non, cette manifestation tient plus du défoulement collectif que de la proposition constructive. Mais n’est-il pas du devoir des politiques de fonder des réponses concrètes aux angoisses du monde du travail ou, au moins, de savoir écouter les colères qui montent au sein des salariés aujourd’hui désorientés ? Cela ne veut pas dire céder à la démagogie et oublier de responsabiliser les uns et les autres, mais cela signifie rappeler aux forces économiques qu’il ne peut y avoir de bonne économie sans le souci de la justice sociale et le respect des équilibres environnementaux.

 

20/04/2008

Le bonheur de ne pas être républicain...

La République donne aujourd’hui l’impression d’être un bateau ivre : polémiques entre ministres, décisions hâtives et maladroites, rappels à l’ordre présidentiels peu suivis d’effets, etc. Au moment même où il faudrait à notre pays une direction ferme pour affronter les courants et les tumultes d’une mondialisation qui n’est même plus heureuse, il n’y a plus d’Etat, juste un « semble-Etat » (selon l’expression de Pierre Boutang) qui parade et communique à défaut de gouverner.

 

La salle des profs et les cafés, ces deux lieux dans lesquels je passe la majeure partie de mes temps de « loisirs », bruissent des inquiétudes d’une population de plus en plus désemparée devant les atermoiements et les maladresses (voire pire… ; les mots employés par mes collègues sont plus rudes…) gouvernementaux : pataquès autour des réductions « familles nombreuses » à la SNCF ; allocations familiales dévaluées ; vote d’une loi OGM controversée ; etc. Lors d’une discussion autour de la cafetière, juste avant de retrouver mes élèves, je lâche : « Tout compte fait, je suis heureux de ne pas être républicain : cela m’évite sûrement de désespérer… ». Quelques sourires las accueillent cette déclaration matinale et des hochements de tête discrets justifient mes propos. Cela suffit-il pour faire de ces Français qui désespèrent, ou se résignent à la République, des monarchistes ? Bien sûr que non, et j’en suis conscient. Mais je peux constater que la République, « si belle sous l’Empire », n’a plus la côte, qu’elle n’inspire guère de compassion et que nombre de mes collègues s’agacent de la voir invoquée rituellement à tout propos par ceux-là même qui ne cherchent à conquérir l’Etat que pour en tirer gloire et prébendes avant que de trahir ceux qui se sont enflammés pour eux, le temps d’une élection.

 

Ce qui énerve aussi, c’est le décalage entre les discours officiels du « pays légal » et la situation vécue du « pays réel », et les tentatives gouvernementales pour éviter toute remise en cause de ce credo européen et libéral qui sert à tout justifier, y compris ce qui n’est ni logique ni juste. C’est une colère, pour l’instant sourde, qui traverse la société et dont il n’est pas certain qu’elle éclate de façon seulement contrôlée… Certaines de ses raisons ne sont pas justifiées, sans doute, mais elles se retrouvent toutes mélangées dans un malaise grandissant, sans toujours laisser la place à une réflexion constructive.

 

De mon côté, j’essaye aussi de proposer plutôt que de me contenter d’une critique facile et si populaire qu’elle en devient une carte de visite obligatoire. La force du royalisme contemporain est de poser la double question du politique et de l’Etat, et de l’inscrire dans un rapport, non pas à l’Opinion ou à la « dictature de l’instant », mais à la longue durée nécessaire à toute fondation et à tout renouvellement ordonné. Au lieu des atermoiements actuels, cela permet de poser les bases d’une politique « durable » et qui ne se contente pas de détruire ce qui est en laissant faire le « Marché » ou les « événements », comme c’est le cas aujourd’hui : c’est la reconquête par le politique de la « décision » et non le « fatalisme » du « qu’y peut-on ? ».

 

Cela ouvre des perspectives plus larges que celles que la République, empêtrées dans ses contradictions et dans une logique seulement comptable, peut proposer et mettre en place.

 

Je vais profiter des vacances qui commencent pour essayer de le prouver en présentant quelques pistes de réflexion sur différents débats institutionnels et sociaux. En somme, une ébauche de « plate-forme royaliste de propositions »…

 

 

 

(à suivre).